Paroles Marianne - Kery James
Si j’te disais queMartin avait un rêve
J’ai fait un cauchemar
Dont chaque détail m’a marqué
C’est ancré dans ma mémoire
J’me suis levé en sursaut
Avec cette sensation étrange
D’être incapable de distinguer
La réalité du songe
2024, à peine deux ans
Après qu’le petit Napoléon
Soit élu Président
Son islamophobie
N’est plus une rhétorique
C’est une façon de gouverner
C’est une politique
Censé grand-remplacer le RN
Les affaiblir
Et faire réélire Emmanuel
Il n’était qu’un pion
Tout était prévu
Du moins c’est ce qu’ils ont cru
Mais il fut élu
Le pays est au bord de l’éclatement
Les pauvres sont plus pauvres
Les gilets jaunes sont rouge sang
Il réprime le mouvement
De façon brutale
Prouve aux naïfs
Qu’on peut être xénophobe
Et libéral
Les gueux qui ont cru en lui
Doivent reconnaître
Qu’ils ont changé de marionnette
Mais pas de maître
Le p’tit Napoléon
Ne s’rend plus dans les campagnes
Mais il sait prendre soin
Des très riches
Qu’ont financé sa campagne
Les rappeurs sont sur la paille
Le petit Napoléon ne supporte pas
Cette musique de racailles
Donc il fait fermer Skyrock
Et soudainement
Vu qu’ils n’font plus d’oseille
Ils s’remettent tous
À faire du rap conscient
Arrive la jeune Maryam
Qu’une nouvelle loi a contrainte
D’être rebaptisée Marianne
Le coeur réchauffé de foi
Dans une France glaciale
Marianne a fait son choix
Elle veut porter l’voile
Ses parents s’y opposent
Non pas par conviction
Mais dans cette nouvelle France
Quand on est musulman
Il faut raser les murs
Il faut se faire tout petit
Ne pas montrer qu’on jeûne
Ne jamais dire qu’on prie
Ce jour-là Marianne revient
De l’université
Son hijab bleu turquoise
Elle a dû l’enlever à l’entrée
Puis le remettre en sortant
Direction le stade
Un moment d’évasion
Courir la rend moins maussade
Marianne explose tout
Sur cent mètres
Sur cette distance, en France
Aucune fille ne lui tient tête
Mais dans la république
Du petit Napoléon
Les sportives comme Marianne
Se voient interdites de compétition
Marianne s’installe au fond du bus
Sort de son sac un bouquin
Elle est censée descendre
Au terminus
Elle révise pour son examen
Mais le bus reste sur place
Marianne se demande c’qu’il s’passe
Le coeur contaminé
Le visage enlaidi
Le chauffeur fait du zèle
Se retourne vers elle et lui dit:
« Madame ici, on est en France
Vous devriez garder vos croyances
Dans la sphère privée
Si vous n’aimez pas nos mœurs
Faites preuve de cohérence
Prenez vos babouches
Et vos claques
Retournez vivre à Alger
Oui, c’est bien à vous qu’j’m’adresse
Dans ce bus vous êtes la seule
Avec un bout de chiffon sur la tête
Soit vous enlevez votre voile
Soit vous descendez
Moi, je ne conduirai pas ce bus
Tant que vous y restez »
Tels sont les mots
Qu’il lui jette à la figure
L’incompréhension
Et la peur la défigurent
Personne ne vole à son secours
À travers elle, c’est avec l’Islam
Qu’ils veulent en découdre
La situation dégénère
Vu qu’le bus ne bouge plus
Les passagers sont sur les nerfs
Ils lui demandent de descendre
L’invectivent avec rage
Une femme qui se dit féministe
Lui crache en plein visage
Marianne se sent humiliée
Perçoit des éclats de rire
Qu’elle ne pourra jamais oublier
Elle se débat sous les coups
Et les insultes fusent
Un homme lui arrache son voile
Avant qu’elle ne quitte le bus
La scène est filmée
Postée sur la toile
Marianne devient un symbole
La vidéo devient virale
La fachosphère se lâche
Dans les commentaires
La bienveillance ne s’abrite guère
Dans des coeurs de pierre
Le pays est sous tension
On attend la prochaine allocution
Du président de tous les Français
Espérant que pour une fois
Il saura faire preuve de compassion
Pas un seul mot pour Marianne
Rien
Il va plus loin
Et rend hommage
Au maréchal Pétain
Là, des millions de Français
Descendent dans les rues
Pour protester contre cette France
Qu’ils ne reconnaissent plus
J’me surprends à penser
Qu’on peut encore
Être différent et Français
Les hypocrites comme Éric Naulleau
Sont exclus d’la manif’
Accusés d’être complices
Racistes passifs
Le mouvement est pacifiste
Mais perturbé
Par des pro-Napoléonistes
En marge du cortège
Ils agressent Lassana
Qui fut contraint de changer d’nom
Rebaptisé François
François n’est pasUn Français lambda
Tout le pays connaît son visage
Car seulement
Quelques mois auparavant
Au péril de sa vie
Il avait sauvé madame France
D’un incendie
Pourtant Madame France
Ne se cachait pas
De partager les même idées
Que l’p’tit Napoléon
Quand elle fût sauvée
Madame France fit son mea culpa
Et les naïfs crurent de nouveau
À la réconciliation
C’est la fin d’un symbole
Noyé dans son sang
François gît sur le sol
Le « Grand-Remplacement »
N’est plus une théorie
Comme en Nouvelle-Zélande
Il engendre des tueries
Le sang de Lassana
Fait déborder le vase
Pire qu’en 2005
Les banlieues s’embrasent
Les groupuscules identitaires
Quant à eux s’organisent
Le gouvernement laisse faire
La France se balkanise
Venus de toute l’Europe
Les ultras nationalistes
Font de la France
Une terre de combat
Aguerris, l’arsenal
Provient d’Ukraine
Qui dit guerre dit trafic d’armes
Au prix de nos larmes de peine
De l’autre côté
Nos quartiers sont en ébullition
J’appelle au calme
Mais j’ai l’impression
Qu’personne ne m’entend
Les bombes artisanales
Remplacent les cocktails
La mélodie que chantent les kalash’
Est mortelle
Le p’tit Napoléon
Décrète un couvre-feu
Sous ses ordres
L’armée française
Investit les banlieues
Planqué à l’Élysée
Le sourire aux lèvres
Il compte les morts
De la guerre civile dont il rêvait
Les extrémistes à l’affût
Passent à l’action
Ils voient en c’la une occasion
De diviser le pays
Se targuant de vouloir venger
Le sang des musulmans
Ils commettent l’attentat
L’plus meurtrier de la décennie
On compte des morts par centaines
J’me sens désarmé
Face à tant de peine
Mes espoirs de paix se volatilisent
Même les plus pacifistes
Se radicalisent
Ajoute à c’la
Une nouvelle pandémie
Beaucoup plus meurtrière
Que la dernière
Dans une guerre
Où nous sommes
Nos propres ennemis
Où chaque jour à venir
Est bien pire qu’hier
J’ai fait un cauchemar
J’ai du sang plein la mémoire
J’me réveille en sueur
Est-ce que le monde réel
Est meilleur ?